LIMOUX ET LA HAUTE VALLEE DE L'AUDE



Entre le Capcir où elle prend sa source et la région de Carcassonne, l'Aude pyrénéenne dévale à travers le Razès, qui fut une des têtes de pont des Wisigoths en Gaule Narbonnaise. En ce temps, la première capitale du pays se situa près de l'actuelle Rennes-le-Château, mais Limoux lui succéda rapidement. Sans doute en raison de la proximité de plusieurs abbayes soutenues par saint Dominique, Limoux ouvrit ses portes à Simon de Montfort en 1209, ce qui ne l'empêcha pas, trente ans plus tard, de devenir la capitale des « faidits » sous le commandement du dernier des Trencavel. Depuis lors la cité fortifiée s'est consacrée sans histoire ou presque au travail de la laine et des peaux, tout en commerçant activement avec l'Espagne. Aujourd'hui, elle s'emploie en outre à faire connaître une excellente « blanquette », aussi joyeusement pétillante que tous les carnavals locaux, qui durent de janvier à mars.

Animée et haute en couleur, Limoux est une localité attachante qui jouit d'un assez abondant patrimoine. Les aspects les plus spectaculaires en sont des portions de remparts et des défenses qui furent élevées au XIVe siècle pour parer à toute attaque anglaise, un pont Neuf lancé a la même époque par-dessus l'Aude, et une église Saint-Martin qui juxtapose un portail roman et une flèche gothique. Dans le détail, la cité montre également de nombreuses demeures raffinées dont les plus anciennes remontent au XVe siècle d'agréables « couverts » sur trois côtés de la place de la République où se tient le marché et un ancien couvent des Cordeliers pourv d'une curieuse tour-clocher.

Aux environs de Limoux, l'omniprésent vignoble dévolu à la production de la blanquette fait parfois place à quelques monuments intéressants, tels le château de Brasse, cité à l'occasion de la croisade, dont les ruines marquent le débouché du vallon de Saint-Polycarpe. Ce nom est hérité de celui d'une proche abbaye fondée au IXe siècle, passée sous la dépendance de celle de Lagrasse, dans les Corbières, et qui se signala au XVIIIe siècle comme foyer du jansénisme. Il en subsiste une abbatiale fortifiée du XIe siècle, remaniée ensuite, qui abrite de précieux décors, en particulier des peintures murales romanes et deux autels carolingiens. Dans le même ordre d'idée, tout près de Limoux, en aval sur l'Aude, on voit la chapelle Notre-Dame-de-Marceille, témoin d'un culte marial aussi ancien que soutenu ce superbe sanctuaire gothique protégeant une Vierge Noire du XIe siècle se trouve au terme d'une «voie sacrée » dont le charme fut chanté par André Chénier.

La blanquette n'est pas la seule originalité du Razès et figurent aussi à ce chapitre des villages circulaires, étonnamment réguliers, hérités des temps troublés du Moyen Age : Donazac, Loupia, Cailhau et Alaigne sont par exemple bâtis sur ce modèle. Mais pour trouver des souvenirs cathares, il faut s'éloigner de ces parages très catholiques. On verra notamment le château de La Bézole, dont le donjon primitif a été rasé lors de la croisade des Albigeois. Seule la poterne surmontée d'une tour en grand appareil témoigne de la première époque du château, la construction actuelle datant de 1615. Passée aux mains d'une lignée d'amateurs éclairés, La Bézole a vu depuis le début du siècle ses abords devenir enchanteurs, grâce à l'aménagement de jardins en terrasses et au reboisement des landes environnantes.

Pour qui remonte l'Aude, le bassin viticole de Limoux prend brutalement fin sur un défilé connu comme l'Étroit d'Alet. Derrière cet étranglement, la petite station thermale et climatique d'Alet-les-Bains jouit d'un abri remarquable. Bien qu'en ruine, son principal monument demeure impressionnant : il s'agit d'une ancienne cathédrale qui trouve son origine dans une abbaye bénédictine elle-même bâtie sur l'emplacement d'un sanctuaire carolingien. En dépit de quoi Alet fut tout de même un bastion du catharisme.

Au confluent de la Sals, sous les pentes mythiques de Rennes-le-Château, où se cacherait un trésor des Templiers, Couiza tient un des passages principaux de la vallée de l'Aude et le château du XVIe siècle qui s'y dresse est celui des ducs de Joyeuse. En réalité, la Renaissance n'a fait que redécore l'intérieur d'une place qui reste en tous points féodale, hormis les fenêtres à meneau s'ouvrant dans les courtines. En musardant dans ces parages, on voit aussi l'antique cité thermale de Rennes-les-Bains, où résida Blanche de Castille, qui en fit ces « Bains de la Reine » au nom actuel curieusement transformé. Non loin, de romantiques ruines perchées au-dessus du confluent de la Sals et du Réals sont tout ce qui reste du château de Blanchefort bâti par les Wisigoths, renforcé ensuite et finalement détruit lors de la croisade des Albigeois, comme celui de Coustaussa, sur le versant opposé.

Inventeurs d'un art de vivre que chantaient les troubadours, le Languedoc n'a pas attendu l'époque de la Renaissance pour agrémenter ses demeures et dès le Moyen Age le raffinement de l'architecture tempérait les impératifs militaires. Le meilleur exemple en est le donjon de grès doré qui émerge quasi intact des ruines du château d'Arques, plus haut dans la vallée de la Sals. On ne saurait dire ce qu'il y a de plus admirable dans cet édifice du XIIIe siècle, de l'harmonie des proportions et la délicatesse des tourelles d'angle en encorbellement sur pendentifs, ou bien des systèmes de défenses archères multiples et trappes de plafond. L'histoire elle-même n'a pas tranché entre les armes et le bien-vivre, associant le château d'Arques à une résistance héroïque en 1544 face aux troupes espagnoles, tout autant qu'à la récompense accordée à sa châtelaine pour ce haut fait, une provision de blanquette de Limoux qui fit passer ce breuvage à la postérité.



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